La loi Évin (ou loi du 10 janvier 1991) est relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme. Elle limite l’usage de la publicité pour le tabac et l’alcool, et donc le vin. Elle est souvent présentée comme l’une des plus grosses aberrations françaises et le monde du vin tire régulièrement à boulets rouges sur cette entrave à son développement. Mais quand on observe la présence anecdotique des vins étrangers sur le marché français, on peut se demander si cette loi n’est pas le coup de génie protectionniste qui sauva le vin français face à la menace des vins étrangers. 

Note : cette idée d’article m’a été soufflée par mes joyeux comparses Julien Stéphant et Eric Boschman, merci à eux pour les bonnes discussions.

La France, deuxième pays consommateur de vin au monde

Selon différentes sources (OIV, Vins et Société, …), la France consommerait 70% de sa production de vin et serait le deuxième pays consommateur de vin au monde, juste derrière les Etats-Unis. La France est donc de loin le premier marché pour les vins français, avec une consommation annuelle per capita estimée à plus de 40 litres. il faudrait bien sûr nuancer un peu en tenant compte des 10 millions de touristes qui se rendent en France chaque année et consomment le vin du pays avec un peu, beaucoup ou même énormément de passion, allant jusqu’à remplir le coffre de leur voiture pour rentrer au pays. Mais il reste indéniable que sans le formidable marché français, l’industrie viticole française s’écroulerait en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

La France déjà importatrice de vrac 

Si elle exporte environ 13 millions d’hectolitres pour une valeur proche des 9 milliards en 2017, la France a également importé plus de 8 millions d’hectolitres, mais pour une valorisation bien moindre, vu qu’il s’agit principalement de vrac, souvent en provenance d’Espagne, et destiné à garnir les rayons premier prix dans les supermarché. Ce qui n’empêche pas de déclencher régulièrement la colère des vignerons qui se manifestent par des actions de vandalisme sur les cuves, transporteurs et linéaires de supermarchés. Mais bon, si la France du vin opte pour une meilleure valorisation de sa production en produisant du vin plus haute gamme, en bouteille, il y a logiquement un appel d’air pour le vrac produit ailleurs, non ? Mais que se passerait-il si le consommateur français se détournait des vins français de qualité supérieur pour se tourner vers les excellents rapport plaisir/prix venus d’Espagne, d’Italie ou du Nouveau Monde ? Ce serait la faillite pour un grand nombre de vignerons français, tout simplement.

La loi Evin au secours du vin français

Imaginez un instant les meilleurs rapports plaisir/prix proposés par les vins du Chili, d’Argentine, d’Afrique-du-Sud, d’Australie, de Nouvelle-Zélande, d’Espagne, d’Italie qui passent à l’attaque marketing du marché français. Campagnes de publicité massives dans tous les médias, événements, sponsoring des plus grandes manifestions sportives,… on aurait vite fait de siroter du Yellow Tail, du Casillero del Diablo et du Santa Rita aux quatre coins de l’hexagone (ben oui, y en aurait bien deux qui résisteraient encore et toujours à l’envahisseur, non ?). La loi Evin protège le marché français face à une production internationale de qualité à la machine marketing bien rodée.