Moins de rendements mais une bonne qualité pour le millésime 2023 dans le Roussillon

L’air de rien le marché belge est un marché très important pour les vignerons du Roussillon. Nous aimons bien le style de leurs vins. C’est donc important de se pencher sur leur production  et de parler de ce millésime 2023.

Les premiers moûts dégustés mi-août étaient très intéressants. Acidité, concentration, il y avait des cuves prometteuses, notamment sur les Marselans. Maintenant que la plupart des vins sont presque terminés, avant de se réjouir définitivement, il est temps de tirer un premier bilan de ce millésime dans le Roussillon. Pour ce qui est des VDN (vins doux naturels), la coulure sur les muscats, dans une moindre mesure sur les grenaches, limitera naturellement le volume de production mais malgré cela, la qualité est au rendez-vous.

Face à des conditions climatiques difficiles qui ont réduit les rendements de 30 à 50 %, les producteurs du Roussillon qui ont été en mesure d’élever leurs vignes jusqu’à maturité complète tout en conservant suffisamment d’acidité, ont obtenu une grande qualité en 2023. Ce qui est frappant et à la fois typique de la mosaïque complexe de micro-terroirs du Roussillon, c’est l’ampleur des différences de résultats d’un site à l’autre.

2023 a été une année de sécheresse sans précédent dans le Roussillon avec moins de 200 mm de précipitations enregistrées au cours des 12 derniers mois. Malgré un bon début d’année avec une bonne floraison pour tous les cépages au début du printemps, de par l’auto-régulation des vignes, dans certaines parcelles, le manque d’eau a ralenti ou limité le développement du cycle végétatif. En juin, la coulure s’est généralisée pour les Muscats d’Alexandrie, les Marselans, et même pour les Grenaches ou les Carignans plus naturellement résistants à la chaleur, touchant jusqu’à 90-95% des raisins dans certaines zones. Là où le développement a eu lieu, les pousses ont eu tendance à être plus petites que la norme et les vignes ont parfois présenté une absence nette de feuillage ou de petites feuilles. En plus d’une perte estimée de 30 à 50 % des raisins pour 2023 dans certains terroirs, le début du mois d’août a suscité de réelles inquiétudes quant à la santé et à la productivité à long terme des vignes qui sont restées en dormance, en particulier pour certains vieux ceps. La chaleur estivale a accéléré la concentration et certains raisins contenaient très peu de jus.

Vendanges encore plus précoces

Les vendanges dans le Roussillon ont commencé le 2 août, un jour plus tôt qu’en 2022 ! Les producteurs ont vendangé parcelle par parcelle, en mesurant soigneusement les niveaux de maturité et d’acidité dans l’ensemble de leurs vignobles. Malgré des conditions de croissance difficiles pendant la majeure partie de la saison, les pluies de la fin du mois d’août, suivies d’un vent de tramontane assainissant, ont redonné de l’optimisme. Dans l’ensemble, le peu de précipitations ont réussi à s’infiltrer dans les sols, apportant l’humidité nécessaire aux systèmes racinaires. Les vignerons ont reconnu le bénéfice que cela avait apporté à la croissance des rameaux, des grappes et à leur maturité.

En 2023, plus que les années précédentes, l’individualité des micro-terroirs du Roussillon et la gestion experte des vignobles par leurs propriétaires ont été les facteurs déterminants de la réussite. Dans l’ensemble, les zones plus  fraîches et  humides, comme le Fenouillèdes (Le Fenouillèdes est une plaine coincée entre les Corbières au Nord et les Pyrénées au Sud. Elle est traversée par de nombreux ruisseaux dont la Boulzane et le Verdouble, affluents de l’Agly) et le haut de la vallée de l’Agly, se sont mieux comportées, avec des volumes plus élevés et un cycle quasiment normal. Les vignobles situés près de la mer ou en altitude ont également obtenu de bons résultats. La zone centrale du vignoble, à cause notamment d’une grêle localisée touchant près de 200 ha à mi-septembre, a plus souffert. L’expertise et le savoir-faire ont joué comme toujours un rôle clé. La viticulture régénérative s’est avérée bénéfique et les choix de certains producteurs s’imposant par la sécheresse de ne pas travailler les sols pour limiter les évaporations ont permis de produire des rendements supérieurs.

La production totale pour 2023 devrait atteindre au mieux 450 000 hectolitres, en baisse de fait par rapport aux 574 000 hectolitres de 2022, mais les premières dégustations du millésime attestent que la qualité est au rendez-vous. Éric Aracil, co-directeur en charge de l’export au CIVR, explique : « Si l’acidité a été parfois plus faible, elle est tout à fait acceptable et les concentrations et la fraîcheur inattendue que nous avions sur les raisins mûrs se retrouvent parfaitement dans les cuvées produites. On se rappellera de cette année  2023 pour son  climat extrême qui  impose une baisse des rendements, mais la qualité, reconnue à tant de vins du Roussillon, sera bel et bien toujours et encore au rendez-vous. »

Reste à voir comment le marché va répondre à ce millésime de faible volume, dans un contexte de surproduction globale et d’une concurrence de plus en plus exacerbée des vins espagnols. Normalement,  les prix ne devraient pas s’envoler. Actuellement, sur le vrac,  nous sommes à un niveau de prix tout à fait normal.