Si vous voulez tout savoir sur le porto, il y a bien le célébrissime Portofessor Eric Boschman qui vous explique tout ça, et gratuitement en 5 vidéos. Sinon pour faire la distinction entre porto et porto et avoir l’air moins bête devant le rayonnage des portos du supermarché parce qu’il y a tellement de sortes et de marques différentes, on vous résume tout ça en un chapitre.
D’abord, le porto n’est pas un bête vin d’apéro qui fait les affaires de tous les cafés et brasseries. Le porto c’est bien plus que cela. On peut tout faire avec le porto. Des cocktails, du food-pairing, de la cuisine, de la gastronomie et même de la dégustation contemplative zoroastrale. Si nos grands-mères l’apprécient, avec ou sans chipito, c’est qu’il y a pas mal de raisons. En provenance de la vallée du Douro, le mot porto est un onomastisme, puisqu’il provient du nom de la ville du même nom mais bizarrerie portugaise, le porto n’est pas fait à Porto.
En Belgique, le porto reste le vin muté le plus apprécié des consommateurs, loin devant le muscat de samos ou le pineau des Charentes. Au risque d’en chagriner plus d’un, le porto n’est pas un vin cuit. Il est muté. Et le principe du mutage est simple puisqu’au moût de raisin on a ajouté de l’eau de vie de vin pour stopper la fermentation alcoolique et ainsi conserver les sucres. Cette adjonction d’alcool stabilise le vin de manière irrémédiable. Donc point besoin d’ajouter des sulfites pour ceux qui seraient intolérants à tout.
Concernant nos habitudes, nous ne sommes pas les premiers consommateurs de porto. On ne peut pas être les premiers partout et nous sommes donc loin derrière les Français mais largement devant les autres. Notre marché est très segmenté. Au niveau des marques c’est Offley (Baccardi Martini), à grand coup de pubs et réclames, qui est de loin le numéro un du marché devant Sandeman (Pernod Ricard) et Porto Cruz (La Martiniquaise). Ce tiercé est par contre différent au niveau régional. Ainsi en Wallonie c’est Cruz qui se classe premier devant les deux autres. Et à Bruxelles, c’est Sandeman qui tire la barque.
Derrière toutes ces marques, il y a d’autres marques aux noms très anglo-saxons comme Dow’s, Graham’s, Taylor, Cockburn’s ou Warre dont le style est évidemment nettement plus british. Ce sont des portos avec peu de sucre, donc un brin plus sec et au mutage plus pointu sont devenues les marques préférées des vrais amateurs de porto. Ces marques se partagent le reste du gâteau du segment porto avec les MDD (marque de distributeur) des différentes enseignes de la GD. Et puis il y a une infime proportion de portos de petits producteurs portugais comme Alves de Souza, présents dans le réseau caviste, avec leur caractère propre et une tout autre identité.
Les portos standards
La base du segment porto, ce sont les catégories standards, c’est à dire le porto rouge, le blanc, le lagryma blanc et rouge, et le rosé. Pour le porto blanc, on tient toujours compte de son niveau de sucre et cela va de sec léger (Light dry) à l’extra doux (Ultra sweet).
Concernant la qualité Lagryma, il s’agit de portos très sucrés qui ne sont pas commercialisés en Belgique. On est dans le style extra sweet (extra doux) avec plus de 150 g de sucres résiduels par litre. Cependant, si cette qualité est introuvable chez nous, il suffit de se rendre au Grand-Duché où cette qualité est disponible.
La famille rouge se divise en deux styles différents. D’un côté le style ruby et de l’autre le style tawny. La distinction entre le porto tawny et le porto ruby est assez simple. Les tawnys sont vieillis en fûts (des pipas) et les rubys sont rapidement mis en bouteille sans forcément un élevage en fûts mais plutôt en cuve. Toutes les qualités standards ont en général un vieillissement compris entre 1 et 3 ans.
Les catégories spéciales de porto
Viennent ensuite toutes les catégories spéciales. Il y a d’abord celles où on précise la durée de l’élevage. Si la mention « fine » figure sur l’étiquette d’un porto tawny ruby ou blanc, cela signifie que ce porto a eu un élevage compris entre 2 et 3 ans. Cela donne des portos fine white, fine ruby, fine tawny.
Si la mention « reserva » figure sur l’étiquette, nous sommes en présence d’un porto qui a eu droit à un vieillissement compris entre 2 et 6 ans et cela donne des reserva white, reserva ruby ou reserva twany.
Parfois, les portos blancs ou twanys ont une mention d’âge sur leur étiquette, et cela va de 10 à 40 ans (years). Cet âge est toujours une moyenne de l’âge des différents portos qui ont été assemblés pour faire cette cuvée avec la mention de l’âge.
Dans les catégories spéciales de portos, il y a aussi les colheitas. Ce sont des portos qui ont un élevage minimum de 7 ans. Ils peuvent être blancs ou twanys ou identifier leur provenance. Dans ce dernier cas, le colheita provient toujours d’une seule et unique propriété, ce qui se traduit en anglais par single quinta colheita. L’année de la récolte est toujours mentionnée. Bref un colheita c’est le twany de l’année.
Tous les portos mentionnés jusqu’ici ne vieillissent jamais en bouteille et sont toujours filtrés.
Par contre, dans les catégories spéciales, il y a des portos qui vieillissent en bouteille sans être forcément filtrés. Dans ce style, il y a le garrafeira. Ce style de porto combine un vieillissement à la fois oxydatif et réducteur. Pour faire simple c’est un vintage twany. Il a d’abord été élevé en fût de chêne au minimum 4 ans et un maximum de 8 ans. Ensuite, pendant au moins 15 ans, il est élevé dans des dames-jeannes, un peu comme un sherry. Rares et chers (plus de 800€ la bouteille) ces portos sont la spécialité de la maison Niepoort.
Pour toutes ces catégories spéciales, la qualité des vins de base est évidemment très importante. Mais le porto c’est une très longue liste de cépages indigènes. Si le porto est rouge, les cépages le sont aussi. Idem pour le porto blanc.
Pour le porto rosé, on laisse macérer les raisins rouges un peu plus d’une nuit dans une cuve avant de laisser le jus légèrement coloré s’écouler, et tout ça sans le moindre pressurage des raisins. Le jus d’un rose soutenu est ensuite directement muté à l’eau de vie.
Les portos Vintages
Mais comment les Portugais font-ils pour déterminer la qualité de leurs vins de base ? D’abord le porto est le vin qui a la plus vieille appellation d’origine contrôlée. Tout est donc codifié à l’extrême. Ainsi, les vignerons ou propriétaires qui font du porto se réfèrent à un système de classification des parcelles. Cette classification va de A à I. Chaque parcelle reçoit une cotation en fonction de critères bien précis. Parmi les critères principaux, il y a le climat, le sol, les conditions de culture qui sont mis en rapport avec la productivité de la parcelle. En fonction de ces critères, douze en tout, chaque parcelle qui a droit à l’appellation Porto est évaluée et reçoit une note globale. Plus la note est élevée, plus la parcelle produit des raisins de grande qualité susceptibles d’intervenir dans l’élaboration des catégories spéciales de portos.
Dans les catégories spéciales, il y a les vins qui font référence à l’année de la vendange, le millésime ou vintage. En principe, ce style de porto a un élevage en fut compris entre 22 et 31 mois avant la mise en bouteille. Après son passage en fût, il doit être embouteillé entre le 1er juillet de la 2e année et le 30 juillet de la 3e année à compter de l’année de récolte mais il n’est pas vintage pour autant. Pour le devenir, il doit avoir l’approbation de l’Institut des Vins du Douro et de Porto. Si ce n’est pas le cas, il bascule dans la catégorie du porto LBV pour Late Bottled Vintage et dans ce cas son élevage peut se prolonger jusqu’à 6 ans avant la mise en bouteille « tardive » de ce porto millésimé. Bref un LBV est un Vintage qui n’a pas réussi son examen d’entrée dans le cercle très fermé des portos millésimés. Dans cette catégorie, le graal ultime est le single quinta vintage, un porto millésimé provenant des meilleures parcelles d’une seule propriété (quinta). Ces portos vintages ont un très long potentiel de garde.
Enfin, il reste une dernière catégorie de porto, le crusted. Cette catégorie de portos est excessivement rare. Ce porto provient des fonds de barrique, pleins de dépôts, qui n’étaient pas mis en bouteille. À la fin de l’embouteillage, les fonds de barrique sont rassemblés et mis en repos pour faciliter la décantation. Ce vin appelé le vintage du pauvre a quasiment disparu suite à l’obligation de la mise en bouteille au Portugal, il reste quelques maisons (Dow’s, Niepoort…) qui en produisent encore.
Restons sérieux, passons à la dégustation
La Dégustation
Porto Blanc
Cruz bianco : Un nez discret de fruits exotiques et un léger boisé. Très jolie robe ambrée. Bouche riche et dense avec pas mal de sucres résiduels (100g). On comprend mieux pourquoi ce porto blanc est très apprécié en Wallonie. Moi je kiffe ce porto avec modération évidemment ❤❤❤❤
Cruz Lagrima : On est ici sur de l’extra sweet et les 150 g de sucre en résiduel n’altère pas le fruité de ce porto. Au contraire, il est préservé comme la fraîcheur. Très belle longueur et grande concentration de notes fruitées en finale. ❤❤❤
Graham’s Port blend no 5 white: Pas vraiment un porto de dégustation. Ici point de notes boisées pour ce blend n°5 on est plutôt sur les notes florales, avec des touches de propolis et d’agrumes confits. Le style est dry, donc sec, sans que ce soit précisé sur l’étiquette. On peut donc l’utiliser pour toutes une série de cocktails. Mais avec un jus d’oranges frais ou un tonic premium c’est ultra rafraîchissant. En vente chez tous les bons cavistes ❤❤❤
Graham‘s Fine White Port: Un assemblage de Códega de larinho, de Malvasia Fina et du très sympathique Rabigato (A ne pas confondre avec le rabigateux) pour ce porto dont l’élevage de minimum 2 ans maximum 3 ans, apporte beaucoup de complexité. Un porto à la fois puissant, frais et riche qui fera merveille avec la tarte à l’abricot ou des desserts pas trop sucrés, avec des fruits frais. Et puis une bouteille, un bâton de cannelle, de l’anis étoilé, des tranches d’oranges, une casserole et voilà un vin chaud vite fait bien fait à boire avec la plus grande sagesse en attendant le père No¨le et ses rennes… ❤❤❤❤
Graham‘s Extra Dry White Port :
Ici pas besoin de chercher on est directement fixé, il n y a pas la moindre trace de sucres, ce qui en fait un produit très intéressant pour les cocktails. On aime son côté très croquant, son aromatique floral et légèrement muscat et sa pointe de salinité. Avec du poulpe grillé, un foie gras poêlé, du fromage de brebis sinon mixé avec du tonic, c’est pêchu. ❤❤
Porto Rosé
Cruz Pink: Ce porto est issu d’un rosé de saignée avec 68 heures de macération avant saignée et mutage. Au nez, la petite pointe d’oxydation est vite remplacée par les notes de confitures de fraises et de cerises. Très belle longueur en bouche. A servir frais ou on the rocks. Parfait pour une variante du mojito le Pink Mojito Cruz. ❤❤❤❤
Porto Twany
Patricio Tawny : Aldi ne s’encombre pas de détails sur son porto. Il est sans doute le meilleur marché et correspond tout à fait au standard du porto tawny. Son côté oxydé et boisé se mélange avec une palette de fruits confits. Bouche en équilibre et finale sur le sucre. A déguster avec des fromages persillés ou des fruits secs. Bon rapport qualité prix. ❤❤❤
Cruz Tawny: 3 ans d’élevage, hyper classique avec un nez de cerises sur alcool qui rappelle la praline Mon Chéri avec une pointe d’oxydation mais au final, on reste le fruit et le sucre. Bel équilibre ❤❤❤❤
Aguilar Tawny: C’est la marque déposée de Delhaize pour son porto. Un vin oxydé et boisé d’un bel équilibre, avec une tension finale sur l’alcool avant un retour des notes de fruits secs. Agréable comme porto d’après dîner avant la sieste… ❤❤❤
Cruz Tawny reserva: Un peu plus d’élevage (7 ans) pour ce tawny un peu plus premium à la robe plus mature mais aussi plus de complexité au nez avec des notes puissantes de tabac blond, de cuir. Cela sent bon la sellerie, avec en sus un côté café expresso qui n’est pas déplaisant et au contraire très intéressant pour du food pairing avec des fromages persillés et des beaux chocolats. ❤❤❤❤❤
Graham‘s Fine Tawny Port: Son élevage de trois ans lui donne un nez de fruits confits et secs où la noix est très présente. On apprécie sa texture et sa profondeur en fin de bouche avec un joli rappel des notes de noix et de fruits secs. ❤❤❤
Dow’s Fine tawny port: Dans le même style que le Graham’s avec cette fois un nez qui rappelle le cake aux fruits confits. Son style est so british que cela le rend très agréable. Qualité constante au fil des années. ❤❤❤❤
Gran Cruz 10 Y: Très jolie robe brune et brillante un porto construit avec des vins pour atteindre l’âge moyen de 10 ans. Ces portos sont toujours construits pour toujours proposer la même aromatique. Il sent les raisins de Corinthe, la datte, la figue et plein d’autres fruits secs plutôt frais comme la noix. En plus, cette grande complexité tend à amener des notes de caramel. J’ai trouvé la fin de bouche un peu courte mais elle est plus axée sur la finesse que la longueur. Avec un Partagas Serie D N° 4, c’est du petit bonheur de dégustation ❤❤❤❤
Amuro 10Y : Amuro une marque propre à l’enseigne Colruyt pour ce 10 ans d’âge. Au nez du pruneau, de la gelée de groseilles, une pointe de vanille et de boisé. La bouche manque un peu de finesse mais le rapport qualité prix est indéniable ❤❤❤
Graham’s Tawny 10 Y: Un porto très mûr et très complexe au nez marqué par la figue, les noix, le miel, la cire d’abeille et la pointe de cannelle. À la fois riche et doux, la finale est très intense et d’une belle longueur. Le genre de bouteille que tu termines avec un ami à 4 heures du matin. ❤❤❤❤❤
Cockburn’s Tawny Port 10 Y : Du miel, du caramel, de la vanille mais ce porto ne se limite pas à cela il y a un boisé délicat qui est complété par des notes de fruits secs. Très agréable, il peut se boire seul mais peut aussi combler les plus difficiles avec une tarte aux pommes à la cannelle. Très beau porto. ❤❤❤❤
Graham’s Tawny 20 Y: On touche à la perfection, des notes des oxydatives au nez et en bouche. C’est un mélange d’amandes au caramel, avec une pointe de tabac, de vieux cuir. Quelle élégance ! Un porto de méditation qui se marie à merveille avec le feu ouvert et un bon bouquin ❤❤❤❤❤
Gran Cruz 20 Y : Une robe ambrée plutôt sombre. Le côté oxydatif est subtil et élégant, à la limite très prenant. Ce porto dévoile gentiment toute sa subtilité au fur et à mesure de la dégustation son élégance devient alors palpable. Une très belle bouteille. N’oubliez pas de commander vos pralines chez Marcolini ❤❤❤❤❤
Gran Cruz Colheita 1998. Embouteillé en 2018 propose un nez plutôt discret. On est moins sur la complexité de l’oxydatif car il y a d’abord une pointe de réduction. Une fois ouvert, ce Colheita décline une palette aromatique de noix fraîches, de chocolat rhum raisins. Il lui faut du temps pour s’exprimer pleinement. Une fois ouverte cette bouteille filera au frigo et doit être bue dans les 5 à 6 jours. ❤❤❤❤
Porto Ruby
Cruz Ruby: vieilli pendant 3 ans dans des cuves inoxydables avec très peu de contact avec l’air ambiant, ce porto a conservé tout son fruité mais dévoile aussi un petit côté salin et fumé. A conserver au frigo et à servir frais ou sur glace ❤❤❤❤
Graham‘s Fine Ruby Port: Des fruits noirs et rouges très mûrs, avec une bouche riche rudement bien équilibrée. Très classique et très bon. ❤❤❤❤
Graham’s Blend Nº 12 Ruby Port : C’est frais, c’est jeune avec des notes de framboise, de cerise, de mûre. , associées à une finale longue et intense. Clairement ce porto est conçu pour être mélangé. Il sera parfait pour revisiter le Bramble et remplace délicieusement la crème de mûres. ❤❤❤❤
Graham‘s Six Grapes Reserve Port : Pas besoin de longues descriptions ou de longs commentaires,C’est le MEILLEUR porto ruby du marché. Avec un moelleux au chocolat c’est magnifique. Si votre caviste habituel n’en a pas changez de caviste… ❤❤❤❤❤
Gran Cruz LBV 2017: Mis en bouteille en 2021, dans le style Ruby, cet LBV a du corps et de jolis tanins. Quelle belle concentration aromatique sur la cerise, la griotte sur fond d’eau de vie. Il pourra se garder quelques années. Après 10 ans, sa fraîcheur actuelle commencera à s’estomper. ❤❤❤❤
Gran Cruz Vintage 2014: Mis en bouteille en 2015, ce vintage est complètement fermé et dévoile quelques notes de cerises confites, avec une pointe de fécule de pommes de terre. C’est concentré, complet, riche et frais mais c’était bien trop tôt pour ouvrir cette bouteille. ❤❤❤❤
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