Commençons par un petit extrait de conversation, quelques jours avant mon départ en direction de Bordeaux, justement à la période des primeurs.
Le journaliste : Tu vas à Bordeaux ?
Moi : Oui.
Le journaliste: Aux primeurs ?
Moi : Non.
Le journaliste (incrédule) : Ah bon, tu vas où ?
Moi : Dans les cotes de Bordeaux !
Vous n’y croyez pas, c’est pourtant bien vrai. Durant les primeurs, tout le monde va aux primeurs, ou presque. Et ne me comprenez pas mal, je n’ai rien contre cette splendide opération marketing. L’ambiance est bonne, les portes s’ouvrent, et c’est, chaque année, un sacré coup de projecteur sur les vins de la région de Bordeaux. Mais cela ne concerne qu’une partie des vins de la région, ceux dont les experts parleront abondamment dans les prochains jours. Lorsque l’occasion de sortir des sentiers battus en allant se ballader dans les cotes de Bordeaux s’est présentée, je n’ai pas hésité un instant, à l’instar de quelques belges parmi les plus braves, comme Eric Boschman et Pascal Jassogne qui partagent encore et toujours leur savoir avec humilité et bienveillance. De précieux compagnons de dégustation avec qui nous avons dégoté quelques vins délicieusement fruités et abordables !
Les Côtes de Bordeaux un peu comme les Cotes du Rhône Villages
L’appellation Côtes de Bordeaux réunit sous une même bannière les terroirs de Blaye, Cadillac, Castillon, Francs et Sainte-Foy. On a donc un nom de famille commun pour des vins produits dans différents secteurs du bordelais, tous situés sur des coteaux. Les 950 vignerons de l’appellation (97% de vin rouge) assurent 10% de la production bordelaise, ce serait dommage de passer à côté. Quand on y pense, c ‘est un peu comme les Côtes du Rhône Villages qui font partie d’un ensemble et revendiquent ensuite leur personnalité locale. C’est lisible et compréhensible, j’aime bien.
Sainte-Foy Côtes de Bordeaux
Commençons par Sainte-Foy Côtes de Bordeaux, la plus éloignée des appellations, à 65km à l’Est de la ville de Bordeaux, aux confins de la Gironde, à l’embouchure de la Dordogne et du Lot-et-Garonne. Le vignoble s’étend sur 350 hectares, répartis sur les communes entourant la pittoresque cité médiévale de Sainte-Foy-La-Grande. C’est la plus petite appellation, avec 21 vignerons à peine, mais elle vaut le détour. Vous pourriez vous arrêter au Château des Chapelains pour découvrir le fruit d’une collaboration inter-culturelle entre une propriétaire chinoise amoureuse de la France et une vigneronne aux multiples casquettes et carrières. Infirmière, chauffeuse de poids lourd et finalement maître de chai, le parcours de Claudine n’est pas commun. A un jet de pierre se dresse le magnifique Chateau Couronneau, fruit du travail titanesque de Bénédicte et Christophe Plat. Bio et biodynamie sont au programme, pas parce que ça vend mieux, mais parce que l’on y croit, profondémment. D’ailleurs, tous les voisins s’y mettent, et l’appellation sera peut-être la première à atteindre une production 100% bio.
Castillon Côtes de Bordeaux
A une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Sainte-Foy-La-Grande, en direction de Libourne, on trouve le vignoble de Castillon Côtes de Bordeaux. On est à 45 km à l’est de Bordeaux, il est limité à l’ouest par le Saint-Emilionnais, au sud par le fleuve Dordogne et à l’ouest par le département de la Dordogne. 230 vignerons pour 2.300 hectares répartis sur 9 communes, c’est déjà plus conséquent mais la superficie moyenne des propriétés se limite à 10 hectares. Visiter le Château La Clarière Laithwaite est un privilège réservé aux confrères basés au Royaume-Uni, mais vous pourrez faire une petite halte au Chai au Quai à Castillon-la-Bataille pour y déguster les vins. De très belles cuvées, en appellation Cotes de Bordeaux mais également dans des approches créatives, comme La Chimère de La Clarière 2016. Cet assemblage inspiré des ermitagés d’autrefois allie le vin local avec de la syrah en provenance du Rhône pour un résultat remarquable, mais en Vin de France vu que le cahier des charges local n’est pas respecté. A découvrir ! Ensuite, vous ferez escale au Château Cote Montpezat, que nous connaissions déjà pour son Bordeaux Rosé Le Canon. On travaille en raisonné, et on est raisonnable. Du bon sens qui fait du bien. Pour casser la croute dans le coin, ne ratez pas le restaurant Le Comptoir de Genès, tenu par Anne-Marie Galineau du Château d’Anvichar, et donc vigneronne de l’appellation, et petit paradis pour qui souhaite déguster les vins de l’appellation sur table moyennant un léger droit de bouchon. Et pour finir en beauté, allez donc rendre visite au super sympathique Renaud Limbosch. Il est belge, collectionneur d’hippopotames, amateur de frites sauce andalouse et danse souvent jusqu’au bout de la nuit. Il y a même des chambres d’hôtes au Château Tifayne.
Francs Côtes de Bordeaux
En remontant un peu vers le nord, à 10 kilomètres à l’est de Saint-Emilion, on entre dans l’appellation de Francs Côtes de Bordeaux qui compte 37 viticulteurs et 2 coopératives qui se partagent 435 hectares répartis sur 3 communes. Dans ce secteur, si vous ne deviez faire qu’une halte, ce serait au Château Godard Bellevue. Bernadette et Joseph vous y accueilleront comme des amis, vous visiterez le chai, goûterez sur fût, sur cuve, sur oeuf, … et si la soirée se prolonge dans la bonne humeur, il y aura même de vieux millésimes de liquoreux et pourquoi pas une larme de cognac pour sceller une amitié naissante. Des vignerons, des vrais, des gens comme vous et moi, les pieds sur terre, et passionnés par leur travail.
Cadillac Côtes de Bordeaux
Pour découvrir l’appellation Cadillac Côtes de Bordeaux, vous longerez la Garronne sur la rive droite du nord de Bordeaux à Langon. Le vignoble forme une bande étroite sur 60 km de long et 5 km de large. 230 viticulteurs se répartissent sur 2.200 hectares sur 39 communes. Dans ce secteur, vous avez l’embarras du choix, et une halte à la Maison des vins de Cadillac peut être une bonne entrée en matière. J’ai apprécié le Château Suau 2015 dans sa version classique alors la cuvée sans soufre ne m’a pas du tout convaincu. Pour se loger dans le coin, pensez au Château Birot, magnifique bâtisse, bons vins, vue incroyable. Ils doivent encore un peu paufiner leur offre oenotouristique mais je pense que le potentiel est là pour un accueil mémorable.
Blaye Côtes de Bordeaux
Et pour finir, l’appellation Blaye Côtes de Bordeaux vous attend à 45 km au nord de la ville de Bordeaux, face au Médoc. A elle seule, elle représente 50% de la production des Côtes de Bordeaux avec 6.500 hectares répartis sur 41 communes et exploités par 430 viticulteurs et 3 coopératives. Garder le meilleur pour la fin ? C’est un peu par hasard, mais c’est bien le cas. De véritables propriétés coup de coeur à vous conseiller. Tout d’abord le Château La Rose Bellevue dont on apprécie l’approche résolument moderne du vin et de la communication. Ensuite le Château Haut-Colombier où l’on rencontre un vigneron en bio de conviction, engagé dans la décroissance à titre personnel, dont les vins se boivent avec plaisir sans se ruiner, que du contraire, c’est presque donné à 8 euros pour un Blaye Cotes de Bordeaux 2016 vraiment gourmand, fruité, croquant. Gardez une place dans le coffre de votre voiture quand vous passez dans le secteur. Je vous suggère également une halte au Château Monconseil Gazin, premier domaine certifié TERRA VITIS à Blaye, intéressant à la fois pour ses vins et son offre d’activités oenotouristiques, une petite longueur d’avance sur leurs collègues qui en prendront rapidement de la graine, je l’espère. Au programme, escape game, dégustation de vins (et achat, hein !) et différentes suggestions d’activités à réaliser dans les environs.Et on finira avec le coup de coeur, le Château Bel-Air La Royère où Corinne Chevrier-Loriaud accueille dans sa maison pour découvrir, discuter, déguster et repartir les bras chargés de jolis flacons. Une dame pétillante et vive dont le sourire et les vins font chaud au coeur. C’est en bio, ici aussi, et on paie entre 10 et 25 euros selon les cuvées. Pas cher pour autant de plaisir.
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