Les couleurs de l’automne embellissent nos jardins, parcs et forêts. Les températures diminuent. Les grandes ballades en famille ou entre amis nous colorent les jouent et ouvrent l’appétit. Les gibiers et champignons des bois font leur grand retour sur nos tables. Le moment est venu s’intéresser à des vins un peu plus robustes et chaleureux pour accompagner nos repas longuement mijotés, ou quelques longues discussions au coin du feu. Pour combiner découverte et excellent rapport plaisir/prix, suivons la piste des vins rouges du Chili.

En Belgique, la consommation de vin est en baisse pour la deuxième année consécutive. Pour les rouges en particulier, le premier semestre 2016 affiche une diminution de 5,72% en volume et de 1,96% en valeur par rapport à 2015. Les vins rouges de Bordeaux et du Languedoc-Roussillon, numéros 1 et 2, perdent respectivement 12% et 8,9% en volume tandis que les vins rouges du Chili confirment leur troisième place sur le marché belge avec des volumes en hausse de 0,6%. Mais quels sont les charmes secrets de ces Casanovas en bouteille ?

Le Chili est le pays des extrêmes. Il s’étire sur plus de 4.200 kilomètres du Nord au Sud pour une largeur moyenne de 180 kilomètres, il compte plus de 5.000 kilomètres de littoral et ses sommets les plus hautes frôlent les 7.000 mètres. La nature a doté le pays de frontières naturelles infranchissables pour les maladies, ennemies jurées des vignerons. A l’ouest, l’océan Pacifique. Au Sud, les glaciers de Patagonie. A l’est, la cordillère des Andes. Au Nord, le désert d’Atacama. Ceci diminue nettement les coûts de production par rapport aux régions qui luttent en permanence contre les ennemis de la vigne.

Moins célèbre que la cordillère de Andes, la cordillère de la côte qui culmine à 2.000 mètres termine de dessiner le paysage viticole du Chili. D’ouest en est, on distingue donc 3 grandes régions viticoles : la cordillère de la côte, la vallée centrale et les contreforts des Andes. La diversité des sols observée de l’océan aux Andes est supérieure à ce que l’on observe du Nord au Sud du pays. Les vignerons disposent d’une véritable mosaïque de sols laisser parler leur talent. Et question climat, ils sont tout aussi gâté grâce au courant Humboldt venant du Pacifique et l’air frais qui descend des Andes pour garantir des journées chaudes et ensoleillées, des nuits fraîches, des hivers pluvieux et de longs étés.  Conditions parfaites pour une production de raisin abondante et qualitative.

Pour le Chili, le vin est un choix stratégique. Le pays, conscient de son énorme potentiel, mise sur ce secteur économique pour soutenir son développement économique et exporte déjà plus de 70% de sa production. Une croissance constante sur plus de 10 ans lui a d’ailleurs permis de se hisser à la 6ème place mondiale du classement des pays producteurs de vin. Au Chili, le vin est une fierté nationale, il incarne la quête d’excellence et est considéré comme le meilleur ambassadeur du pays. A titre d’exemple, citons le vin La Moneda Reserva Malbec 2015 élu meilleur vin du monde dans sa catégorie par le magazine Decanter en Juin 2016. Conscient d’avoir le paradis de la viticulture entre les mains, le Chili a lancé un ambitieux projet d’agriculture durable afin de préserver le précieux outil de production. Plus qu’ailleurs, le potentiel est là pour la production de vin bio mais ce mouvement n’a pas encore pris son envol.

3 catégories de vins rouges

Les vins rouges représentent plus de 75% de la production chilienne et sont principalement vinifiés à partir des cépages Cabernet Sauvignon, Merlot, Carménère et Syrah.

Les vins de 5 à 10 euros rencontrent un énorme succès dû à leur régularité. D’une année à l’autre, peu de surprise, le vin attendu est au rendez-vous. Relativement puissants, boisés, riches, ce sont des vins qui nécessitent des plats relevés qui pourront leur donner la réplique.

Casillero del Diablo Cabernet Sauvignon 2014 : Un vin rouge concentré et aromatique. Les fruits noirs, le cassis, quelques épices, un peu de moka, de chocolat et une touche de vanille bien présente en finale. Le tout est assez puissant mais les tanins sont relativement fins. Un vin polyvalent à aérer avant consommation. Succès garanti sur grillades et plats relevés qui écraseraient des vins plus subtiles. (Delhaize – 6,99 euros)

Entre 11 et 20 euros, on trouve des produits plus fins et complexes, où la puissance laisse la place aux nuances subtiles. C’est la gamme qui allie au mieux la découverte et le bon rapport plaisir/prix.

Bottero Capicua Syrah 2013 : Un vin du chili “nouvelle génération”, avec du fruit concentré et pur, une touche d’élevage maîtrisée, le côté fumé de la syrah, une bouche bien équilibrée, un vin d’une belle longueur. Le tout gagnera à séjourner quelques temps en cave et surtout à être aéré avant consommation. A essayer, vraiment. (16,17 euros au Cora)

Au-delà des 20 euros, peu de choses limitent le champ du possible. On est au niveau des grands crus du Bordelais ou de la Rioja, comme l’illustre très bien les vins de Almaviva, par exemple.

Almaviva 2009 : 73% de Cabernet Sauvignon, 22% de Carménère, 4% de Cabernet Franc et 1% de Merlot. Le tout élevé 16 mois en chêne français. Une robe rubis très profonde. Au nez, des fruits rouges explosifs, des cerises, des prunes. Mais également du cassis et du sureau. Le côté fruité est très séduisant. En bouche, le vin est ample et bien structuré. La texture est remarquable, particulièrement soyeuse, telle une caresse. Le tout est parfaitement équilibré. La finale est longue, avec d’agréables notes épicées, un peu de vanille et une touche chocolatée. Complexité et élégance. C’est très bon ! (Environ 100 euros sur Finestwine.com ou Colruyt Grands Vins)

Pour tous les niveaux de prix, la gamme promet de s’étoffer durant les prochaines années, également avec des vins blancs dont la qualité s’améliore sans cesse, notamment grâce à l’exploitation de nouvelles zones de productions particulièrement adaptées aux cépages blancs.

Philippine de Rothschild : la baronne visionnaire

En 1988, la baronne Philippine de Rothschild entreprend de poursuivre l’œuvre de son défunt père. Elle perçoit le potentiel viticole du Chili dès le début des années nonante. Visionnaire, elle signe un accord de partenariat avec Don Alfonso Larraín, Président de Concha y Toro, afin de créer un grand vin franco-chilien appelé Almaviva en 1997. Ce grand cru décontracté, ou plutôt « Primer Orden », allie d’une part le savoir-faire et la rigueur français en matière vinicole, d’autre part le sol, le climat et le vignoble chilien, sans oublier une agréable touche de décontraction et de joie de vivre qui manque trop souvent aux vins 100% français. Le vin produit par cette « joint venture » bénéficie du réseau de distribution des vins de Bordeaux et s’échange aux alentours 100 euros.

Almaviva a donc permis de démontrer le potentiel du Chili, mais cela ne suffit pas à étancher la soif de la Baronne qui lance la marque Escudo Rojo. A nouveau le savoir-faire bordelais est allié avec un terroir d’exception afin de proposer un vin de qualité aux alentours de 15 euros. Afin de soutenir ce projet, l’utilisation du nom Escudo Rojo est autorisée. Il s’agit de la traduction hispanique de « Rote Schild », l’emblème historique de la famille Rothschild. C’est la première fois que le nom de la famille est utilisé pour soutenir un nouveau projet, preuve additionnelle de la volonté de miser sur le Chili.

Finalement, en 2013, on assiste au lancement de la nouvelle gamme Anderra. Elle se décline en trois vins disponibles aux alentours de 8-10 euros sur le marché belge : Sauvignon Blanc, Carmenère et Cabernet Sauvignon. La même année, la société Baron Philippe de Rothschild acquiert une propriété de 960 hectares, Viña Villavicencio, afin de sécuriser ses approvisionnements en raisin pour assurer le développement de ses vins de Marques au Chili. Actuellement, 210 ha de vignes y sont plantés et l’ambition est d’en planter 200 ha supplémentaires. En 2014, la Baronne Philippine s’éteint et ses trois enfants s’attachent aujourd’hui à perpétuer la volonté d’excellence portée par leur mère en France, comme au Chili.