Je passais tous les jours devant.

Sur la N4, vers Gembloux, entre les champs de grande culture, pas un endroit de rêve, mais, du coin de l’œil, rapidement, qui s’échappe avec la vitesse, un caviste, une grande bâche ocre en guise d’enseigne. Les cavistes, même au milieu de nulle part, ça m’attire, y a rien à faire.

« Les Vents d’Anges, des vins comme on les aime. » Bon, OK, le jeu de mots, le slogan, c’est un peu kitsch, ça m’a fait sourire. Je me suis demandé s’ils aimaient les mêmes vins que moi.

Je passe devant, encore et encore. Et puis je m’arrête. J’entre, je zieute les bouteilles.

Un bonhomme, la cinquantaine, derrière le comptoir.

« On est spécialisés dans la Bourgogne et la Loire ». Je vois, crois-moi, et c’est du sérieux. Je me demande comment c’est possible, toutes ces bouteilles, cette sélection intrigante, pointue, très pointue, ici, sur la N4. Ni Corbais ni Gembloux ne vous méritent, les Vents d’Anges.

C’est dingue, ici. Pas une fausse note. Comme une sonate, quoi, mozartienne, délicate, fouillée,  peut-être un peu compliquée pour le béotien, qui dévoile ses notes en surprise, en embuscade, toujours inattendues. Et, si tu t’y poses, si tu apprends, si tu prends le temps, tu finis par virer mystique. Parce qu’ici, la Bourgogne, la Loire, c’est religieux. Sacré, en tous cas, c’est évident.

Et le chef d’orchestre, derrière son pupitre : « Je peux vous aider ? »

Bien sûr. Comment je fais, moi, parmi tous ces premiers, parmi tous ces grands crus ?

J’ai donc rencontré Rachid Agag, ex-trader repenti, dévoué au pinard comme j’en ai peu connu, un fou, un millimétré du terroir, de la note aromatique, un furieux de l’histoire viticole, acquis à Bordeaux, d’abord, puis à l’orfèvrerie, aux Côtes de Nuits, d’Or et de Beaune, aux méandres sauvages du grand fleuve Loire.

Il a commencé à causer, et je n’ai plus cessé d’écouter, juré. Il aime transmettre et ça tombe bien, la partition est complexe et je veux qu’on me l’explique.

Il m’a invité à sa table. J’ai bu, j’ai bu, et je me suis nourri. J’ai ajouté des volumes à mon encyclopédie mentale.

J’ai rencontré ‘Thur, le guitariste, et ce cher François à l’œil qui frise, ses associés. Ces gars-là ne pensent qu’à ça. J’ai compris, tu trouves leurs bouteilles dans tous les meilleurs restaus, tu sais, ce n’est pas un hasard. Ils ne vendent pas de vin, ils vendent des œuvres d’art. Alors, quoi, ce ne sont pas des représentants de commerce, ce sont des marchands de beauté et quand tu accroches tes étoiles à l’entrée d’un restaurant, tu ne vas pas servir de la piquette aux chalands.

Mais leur monde n’est pas réservé aux élites, hein, ne comprends pas de travers. Non, le crédo, c’est le plaisir, parce que ces mecs sont d’abord d’heureux vivants, des Pantagruels.

Sur la N4, vers Nil-Saint-Vincent, au lieu de filer, arrête-toi, dis-leur que tu viens de ma part, jette un œil, tape la causette avec l’un des trois. Tu verras, après, tu sauras ce que tu bois.

 

Adresse

Les Vents d’Anges
49/1, Chaussée de Namur (N4)
1457 Nil Saint Vincent
Site web : Lesventsdanges.be