À ce jour seul le groupe Carrefour avait institué une collaboration avec un contrat d’apport avec les vignerons de la Hesbaye limbourgeoise. Depuis le 29 juin, un communiqué de presse a annoncé une grande première dans le secteur de la grande distribution : Colruyt Group, dont la réputation en tant que spécialiste du vin n’est plus faire, a démarré une première phase viticole en vue de mettre sur le marché, d’ici 2026, les premières bouteilles de vin biologique belge issu de ses propres chais. Les quatre premiers hectares de vignes ont été mis en terre sur le lieu-dit La Croisette sis à Frasnes-lez-Anvaing. L’an prochain, 5 hectares compléteront le vignoble. À travers cette entreprise, Colruyt Group veut répondre à la demande de ses clients et augmenter sensiblement l’offre de vin biologique belge sur un marché jeune et prometteur. Le projet cadre tant dans la politique d’intégration verticale du groupe que dans sa stratégie agricole. À terme, et dans un scénario favorable, Colruyt Group ambitionne une production annuelle de quelque 70 000 bouteilles de vin tranquille blanc, rosé et rouge.
L’ascension du vin belge
L’ascension du vin belge et l’intérêt pour la viticulture dans notre pays n’auront échappé à personne. Aujourd’hui, la Belgique compte presque 1000 hectares de vignobles. En 2022, année exceptionnelle, la production a atteint le niveau record de trois millions de litres. Plus globalement, avec le changement climatique, le paysage viticole européen, si pas mondial, est en train de se transformer. En Belgique, il y a une énorme ferveur viticole qui est en route. Saskia De Block, responsable Agriculture de Colruyt Group : « Cet engouement est un phénomène que nous suivons de près. Et immanquablement, la demande en vin belge de nos clients se fait de plus en plus insistante, motivée par l’intérêt pour une production locale toujours plus qualitative et la curiosité qu’elle suscite. »
Actuellement, les volumes produits ne permettent pas de proposer une offre chez Colruyt. Delhaize et Carrefour étant déjà actifs au niveau des achats, la part du gâteau annuel de vins belges disponible est donc fortement réduite. À part quelques vins plutôt vendus en local trouvent leur place dans les rayons ou sur le site de ventes en ligne Grands Vins Colruyt. « En tant qu’acteur belge, Colruyt Group entend autant que possible proposer un assortiment belge, local, et en favoriser l’ancrage , poursuit la responsable Agriculture de Colruyt Group. Et parallèlement, nous voulons assumer un rôle actif dans la « Sustainability » (durabilité ou soutenabilité) de l’agriculture et stimuler l’innovation dans ce domaine. Et le faire pourquoi pas par nous-mêmes dans les catégories jugées importantes. »
Le vin constituant une catégorie-destination (Category Destination) pour bon nombre de clients, l’idée de se lancer dans la production viticole a forcément germé. Les premières étapes sont désormais franchies. Pour son vignoble, le groupe a trouvé son bonheur à Frasnes-lez-Anvaing. D’une part, la commune hennuyère est proche du site de Ghislenghien qui abrite Fine Food Wine de Colruyt (Son site d’embouteillage du vin). Et c’est sur ce site que s’installeront les installations de vinification. D’autre part, le Pays des Collines offre un terrain favorable en termes de sol, de relief et d’exposition.
Objectif 10 hectares
La phase viticole a démarré avec la plantation de quatre premiers hectares. Après préparation de la terre, il aura fallu attendre les premiers beaux jours d’avril pour que l’entreprise Carlo Faber (Il a le monopole), pépiniériste réputé du Grand-Duché de Luxembourg, puisse mettre en terre les 20 600 pieds de vignes sur le lieu-dit La Croisette . L’an prochain, il renouvellera l’opération à quelques centaines de mètres de là, sur le site Les Monts. Au total, Colruyt Group jouira d’un vignoble d’un peu moins de 10 hectares, le propulsant d’emblée parmi les plus grandes surfaces actuellement plantées en Belgique. (NDLR: Faire appel à un seul pépiniériste réduit fortement la diversité génétique. Des apports venant de Suisse ou d’Allemagne permettraient d’assurer un peu plus de diversité).
« Un volume critique est en effet nécessaire pour servir nos ambitions, mais c’est un défi que nous relevons avec beaucoup d’enthousiasme, insiste Saskia de Block, la responsable Agriculture de Colruyt Group. Même s’il nous faudra être patients. La première vendange est prévue pour 2025, nous profiterons de ce laps de temps pour investir dans la phase vinicole et compléter notre équipe. Une filière intégrée n’exclut certainement pas une proche collaboration avec des partenaires externes. Le partage des compétences est essentiel. »
La phase de vinification démarrera dans la foulée. Il ne faudra cependant pas s’attendre à une pleine capacité – environ 52 000 litres – avant au moins 2029, les premières bouteilles de vin blanc étant attendues pour 2026. À terme, l’offre se composera de vin blanc, de vin rosé et, dans une moindre mesure, de vin rouge. Dans un souci de préservation des sols, il a d’emblée été opté pour une culture biologique. « Cela nous a semblé un minimum, malgré la superficie ; et nous envisageons ce projet avec toute l’humilité que cela impose. Il est vrai que de nouvelles techniques d’agriculture durable font peu à peu leur chemin (biodynamie, agroécologie…). Nous ne fermons certainement pas la porte à une évolution ultérieure. »
Cette première phase viticole est dédiée du Muscaris, du Souvignier Gris et du Johanniter, que des cépages blancs interspécifiques. L’an prochain, outre du Solaris, les cépages rouges feront leur entrée, avec du Cabaret Noir, du Cabernet Jura, du Satin Noir ou encore du Pinot Kors.
« Étant donné la certification biologique, notre choix s’est porté sur des cépages résistants, explique Jean-Christophe Verschelde, expert vin au sein du groupe et vigneron amateur, qui devrait assumer la gestion de ce vignoble. La viticulture belge est encore naissante, nous nous sommes dès lors basés sur les analyses des sols, les conseils des pépiniéristes, le comportement des cépages chez les vignerons existants, et, bien sûr, la dégustation de vins belges. » Le jeune vignoble est d’ores et déjà doté des tuteurs et manchons, tandis que le palissage est en cours. Dans un premier temps, il nécessitera certes une proche surveillance mais un entretien mesuré, la nature faisant par ailleurs son œuvre.
Ce que le communiqué ne dit pas c’est comment et où Colruyt va-t-il trouver la main d’œuvre pour exploiter son vignoble ? Colruyt va-t-il former du personnel, Ou va-t-il confier cette tâche à un opérateur spécialisé ? À ce jour, seul le centre IFAPME de Perwez, dans le Brabant wallon, propose deux cursus en viticulture, un pour les techniciens viticoles, l’autre pour les chefs d’entreprise viticole. Est-ce que cela va pousser d’autres acteurs de la GD à se lancer dans cette aventure. Ahold Delhaize, Cora, Aldi, Lidl, Carrefour vont-ils aussi se lancer dans la grande aventure viticole belge ? Affaire à suivre
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