Deux cents ans après la défaite du petit Napoléon, un Français part à la reconquête de Waterloo et, flamboyant de panache, écrasant ses ennemis sous ses bottes, en rase la butte sans coup férir, pulvérise la chaussée de son talent et, fort de sa bonhommie, apprivoise à l’aise la commune bourgeoise et kazakhophile.

Plus modestement en vérité, Arold Bourgeois, jeune traiteur parigot, a débarqué en Belgique pour suivre une belle et a ouvert son petit restau chaussée de Bruxelles, justement nommé « Little Paris », puisque c’est une sorte de morceau de Paname qu’il a voulu recréer en BW. Un grand comptoir coloré où l’on peut manger, quelques tables en sus, une déco sobre et chinée, tendance puces de Saint Ouen, et l’affaire est faite. Le sieur Bourgeois élève la cuisine de bistrot au rang d’art, ou de lard, devrait-on dire. Nous y reviendrons. Rapidement, le lieu fait causer et Arold décroche les faveurs du Gault et Millau qui en fait sa « découverte 2015 ».

Là où Arold se pose en Attila, c’est que sa cuisine est, oh, sensuelle à s’en damner les papilles, hypnotisante d’arômes et de saveurs, elle nous rend esclave de notre propre gourmandise et obsédés d’une forme de nostalgie culinaire, de madeleine proustienne, mais à l’échelle de tout un repas. On devient Gargantua, parangon de l’hédonisme, jouisseur en diable, géant de la jouissance. Pas de bistronomie chichiteuse, hein, pas d’espuma de tripes ou de sorbet de rillettes, non, plutôt une manière de quintessence de bouffetance des halles, de paroxysme de plats de grand-mères. Ouf.

Les vins sont au diapason, évitez les références encroûtées à étiquette pour écouter le patron qui vous fera boire des bouteilles que vous ne connaissez pas mais qui vraiment se trouveront en harmonie avec ce que vous mangez. Ça n’a l’air de rien mais ce n’est pas si fréquent.

Pour le solide, l’homme propose grosso-modo de vous régaler sous forme de tapas ou plus classiquement de carte/menu. Allez donc y jeter un œil ici. Nos immanquables ? Piochés essentiellement parmi les tapas puisque ce sont dans ces eaux-là que nous nous sommes aventurés : la terrine de joue de bœuf, les couteaux en persillade (raah lovely), l’os à moelle surmontés d’œufs de hareng, judicieux équilibre d’iode rafraîchissant et de texture grasse, le terre-mer y trouve sa vraie justification, la galette de pieds de cochon désossés, merveille euphorisante de « revenez-y », le grandiose

boudin de Christian Parra ou, en apothéose, alors que tout votre corps réclame merci, qu’il exprime la satiété par tous ses por(c)es, le pain perdu au caramel au beurre salé, sublime, étincelant, orgasmiiiiiique.

Vous resterez donc étalés, vaincus, repus, l’œil hagard et la lippe souriante, et terminerez vos agapes par une vieille prune de Louis Roque qui n’en demandait pas tant.

Et vous remercierez Arold Bourgeois de vous avoir simplement réconciliés avec le plaisir, avec Proust, avec votre grand-mère et avec Napoléon.

Infos pratiques

Little Paris, chaussée de Bruxelles 89 à Waterloo.
www.little-paris.be

02/354.84.57
Ouvert du mardi au vendredi midi et soir.