Depuis le lancement du guide du vin Vinogusto.com en 2007, j’ai pris connaissance d’une multitude de projets de startup liée au monde du vin, entre autres via le Founder Institute, les Vinocamps, le Wine Business Innovation Summit, la European Digital Wine Communication Conference ou les salles de cours de l’INSEEC à Bordeaux. Et je pense que les aspirants entrepreneurs font systématiquement l’erreur que Vinogusto, Cork’d, Snooth, Findawine, Adegga,… et bien d’autres guides du vin sur Internet ont faite il y a 7-8 ans. Ils pensent encore et toujours que les consommateurs sont malheureux dans leurs achats de vin et espèrent que quelqu’un va les aider à mieux choisir leurs bouteilles. Mais ce n’est pas le cas. La majorité des consommateurs sont très heureux avec leurs achats de vin tels qu’ils sont et ne sont pas du tout à la recherche de solution pour les aider à mieux choisir. Les vins qu’ils achètent un peu au hasard chez le caviste, en grande surface, sur internet, au resto ou dans les bars à vin leur conviennent très bien. Toujours plus ou moins bon, dans leur budget, sans se casser la tête, et avec la fonctionnalité la plus recherchée qui est bien au rendez-vous : le vin contient de l’alcool, on peut le boire en société, ça rend heureux et beau, lubrifie les relations humaines, et c’est avant tout cela qu’on lui demande.

Je raconte n’importe quoi? Je ne pense pas. Dans les bars à vin, les consommateurs demandent un blanc sec, ou un blanc sucré, un rouge fruité sans manifester le moindre intérêt pour la région, le cépage, le millésime ou encore le producteur. Au restaurant, les cartes sont généralement criblées de fautes et totalement incomplète, ça n’empêche pas les clients de commander. Au supermarché, il n’y a pas de conseil et on y vend 80% du vin en Belgique. Chez le caviste, on est parfois très bien, souvent trop vite orienté et il n’est pas rare que le consommateur ne sache pas ce qu’il a acheté, enfin si, du blanc, ou du rouge, ou du rosé, à plus ou moins tel prix, peut-être de tel pays ou région. Ou alors, il connaît quand même le cépage. Et franchement, il n’est pas nécessaire d’en savoir plus pour pouvoir profiter d’un verre de vin…

Pourtant, 8 ans après la ruée sur les sites internet d’aide aux consommateurs, nous assistons à une nouvelle vague de solutions révolutionnaires pour aider les consommateurs à résoudre un problème qu’ils n’ont pas : les wine apps. Que ce soit Vivino (qui vient de lever 25 millions de dollars – ça me rappelle Snooth il n’y a pas si longtemps), Delectable, Goot, Wineadvisor ou je ne sais encore quelle application, l’idée est la même qu’il y a une petite dizaine d’année : nous allons aider le consommateur à bien choisir son vin. 2 améliorations techniques apportées en 10 ans : on peut prendre l’app partout avec soi vu qu’elle tient sur le smartphone et on peut consulter la db en faisant une simple photo du vin plutôt que de devoir taper le nom pour faire une recherche. Sinon, l’idée est toujours la même : des tonnes d’avis des consommateurs du monde entier vont vous permettre de mettre la main sur les meilleures bouteilles. Tu parles…

Si on prend l’exemple de Vivino, les infos sont à ce point lacunaires qu’on ne peut pas s’y fier. Et si on creuse, on se rend compte que la majorité des utilisateurs abandonnent l’application après avoir joué à 1) vérifier que la reconnaissance d’étiquette fonctionne, 2) vérifier la valeur présumée des bouteilles bues. Pour le reste, les contenus et avis sont légers, très légers… Et côté business model? Les choses ne sont pas annoncées clairement, mais il semblerait que l’on mise principalement sur le récolte des adresses e-mail des consommateurs. Etape n°1 pour vendre des vins. Car sans clients potentiels, pas de vente.

Et cela nous amène au vrai problème à résoudre : les producteurs de vin ont du mal à vendre leurs vins. Il faut donc s’atteler à aider les producteurs à vendre les vins, et pas à aider les consommateurs à choisir les vins.